lundi 4 mars 2024

Tchad : menaces sur le clan Deby

Le 28 février, dernier, à N’Djamena, Yaya Dillo, opposant à l’actuel Président de transition, le général Mahamat Idriss Déby Itno, fils d’Idriss Déby Itno, a été tué dans des circonstances plus que confuses par les forces de sécurité tchadiennes. Cette mort venant après l’attaque lancée contre le siège des services de renseignement illustre les grandes fragilités d’un pays abritant la chiche arrière-garde de ce qui fut la vaste présence militaire française au Sahel. Un pays pouvant, du jour au lendemain, renouer avec les sanglantes guerres civiles qui marquèrent tragiquement son histoire depuis l’indépendance.

Jamais avare d’une simplification et d’une analyse artificielle, la presse a présenté la mort de Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières (PSF), un parti d’opposition, comme s’inscrivant dans la compétition ouverte au sein des élites dirigeantes tchadiennes en vue des prochaines élections présidentielles du mois de  mai 2024. Une mort qui devrait donc être vue comme l’élimination d’un opposant politique de premier plan au général Mahamat Idriss Déby Itno.

Certes, mais ce n’est pas d’abord de cela qu’il s’agit. La réalité est en effet beaucoup plus grave car nous assistons d’abord à l’éclatement de l’alliance ethno-clanique jadis constituée par Idriss Déby Itno. Des évènements qui s’inscrivent très exactement dans ce que j’avais annoncé le 22 avril 2021, après la mort du président Idriss Déby Itno dans un communiqué intitulé « Tchad : les clés de compréhension passent par la reconnaissance des fondamentaux ethno-claniques, non par les incantations démocratiques ». (A ce sujet, voir mon livre : « Histoire du Sahel des origines à nos jours »).


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vendredi 1 mars 2024

L'Afrique Réelle n°171 - Mars 2024

Sommaire

Dossier Libye : Point de situation
- La situation énergétique
- Le jeu des puissances

Dossier Mali : Le nouveau paradigme
- Le Mali entre jacobinisme sudiste et fédéralisme nordiste 
- Entre le Mali et l’Algérie, rien ne va plus… 

Histoire des Berbères
Entretien avec B. Lugan


Editorial de Bernard Lugan


Le chef de la diplomatie française, M. Stéphane Séjourné s'est entretenu lundi 26 février à Rabat, avec son homologue marocain, M. Nasser Bourita, afin de rétablir des relations normales entre la France et le Maroc. 
Des relations mises à mal par les «_ambiguïtés » élyséennes. Paris courtisait en effet Alger tout en ne voulant pas froisser Rabat. Une position intenable alors que le Maroc et l’Algérie sont à couteaux tirés au sujet du Sahara occidental. Tout rapprochement avec le Maroc passait donc par une claire déclaration française à ce sujet. Et c’est ce qu’a fait le ministre français en déclarant officiellement que « la France réitère son soutien clair et constant au plan marocain d’autonomie ».

La question va être maintenant de savoir quelles « compensations » Emmanuel Macron va accorder à une Algérie rendue furieuse par cette reconnaissance française de la marocanité du Sahara occidental… (voir à ce sujet mon livre Histoire du Maroc des origines à nos jours). 

Il n’est pas nécessaire d’être devin pour annoncer que les génuflexions auto-flagellatrices vont donc être un exercice fréquent dans les milieux officiels français. Avec en prime l’assurance que les  « facilités » de venue des Algériens en France ne seront pas vues à la baisse…

Mais cela ne calmera pas Alger qui a fait de la question du Sahara occidental  le cœur de sa politique en offrant une partie de son territoire -en réalité une terre historiquement marocaine-, à un groupe armé, le Polisario, afin de lui permettre d’y créer la RASD (République arabe sahraouie démocratique), pseudo Etat avec une pseudo justice, une pseudo armée, une pseudo diplomatie etc.

L’Algérie affirme que la question du Sahara occidental est un problème de décolonisation. Or, la décolonisation de ce territoire marocain sous colonisation espagnole a été faite en 1975 comme l’a clairement dit en 2023 M. Antonio Guterrès, Secrétaire général de l’ONU. 
Le conflit du Sahara occidental est en réalité une question artificielle qui a permis à l’Algérie d’écarter le processus de décolonisation qu’elle aurait dû mener chez elle, en 1962, en rendant au Maroc les territoires marocains directement passés de la colonisation française à la colonisation algérienne, à savoir Colomb-Béchar, Tindouf, la Saoura, le Touat, le Gourara et le Tidikelt.
La question du Sahara occidental est également pour l’Algérie, le moyen de briser son enclavement continental en tentant de s’ouvrir, via un pseudo Etat sahraoui, une fenêtre sur l’océan atlantique.
Depuis 1975, la position algérienne concernant le Sahara occidental est intangible, rejetant sans discussion la proposition marocaine de large autonomie. Un jusqu’au-boutisme qui isole de plus en plus l’Algérie. 
En effet, en 2024, la RASD, jadis reconnue par 70 Etats sur un total de 195 pays indépendants de par le monde, ne l’est plus que par moins d’une quarantaine. Plus de cent pays soutiennent le plan marocain d’autonomie du Sahara occidental sous souveraineté marocaine, dont 14 pays de l’UE, et 28 consulats généraux ont été ouverts à Laâyoune et à Dakhla, les deux principales villes du Sahara marocain..

jeudi 22 février 2024

La RDC et le Rwanda vont-ils se déclarer la guerre ?

La guerre fait de nouveau rage au nord Kivu, région de l’est de la RDC (République démocratique du Congo). Goma, la capitale régionale est actuellement encerclée par le M23, un mouvement rebelle tutsi, bras armé du Rwanda. Or, en décembre 2023, réélu à la tête de la RDC sur la promesse de reconquérir le Kivu, le 20 décembre, Félix Tshisekedi  a menacé de  déclarer la guerre au Rwanda.

La guerre du Kivu est la conséquence de celle dé 1990 quand, sous les ordres de Paul Kagamé, les Tutsi réfugiés en Ouganda envahirent le Rwanda alors dirigé par le Hutu Juvénal Habyarimana. Le 6 avril 1994, l’assassinat de ce dernier provoqua un atroce génocide suivi par la victoire militaire du général Kagamé (Voir à ce sujet mon livre Rwanda, un génocide en questions.

Puis, en 1996, éclata la guerre du Congo.  Décidée par les Etats-Unis et par la Grande-Bretagne afin de renverser le maréchal Mobutu allié de la France, elle fut menée par l’armée rwandaise du général Kagamé. Paris laissa faire, épisode peu glorieux qui fit perdre son prestige à la France et qui marqua  le début du recul de son influence en Afrique.

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mardi 13 février 2024

Histoire des Berbères, nouvelle édition actualisée et augmentée



Les Berbères ou Imazighen (Amazigh au singulier) constituent le fond ancien de la population de toute l’Afrique du Nord, depuis le delta du Nil à l’est, jusqu’à l’Atlantique -îles Canaries comprises-, à l’ouest, et de la Méditerranée au Sahel. Ils formaient à l’origine un seul Peuple qui fut peu à peu fragmenté par une histoire à la fois riche, complexe et mouvementée.
Les Berbères virent ainsi passer Grecs, Phéniciens, Carthaginois, Romains, Vandales et Byzantins. Au VII° siècle, la conquête arabe eut pour résultat leur islamisation, mais, en Libye et au Maghreb, leur arabisation ne débuta qu’à partir du XII° siècle, avec l’arrivée des tribus arabes Beni Hilal.
Les partisans de l’arabo-islamisme affirment que les Berbères sont aujourd’hui sortis de l’histoire, leur conversion à l’Islam les ayant inscrits de façon irréversible dans l’aire politico-culturelle de l’arabité. D’autres vont jusqu’à nier leur existence comme le ministre algérien de l’Education nationale qui déclara en 1962 que les Berbères « sont une invention des Pères Blancs ».
Tout au contraire, selon Charles-André Julien « Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie sont peuplés de Berbères que l’on qualifie audacieusement d’Arabes ». Quant à Emile-Félix Gautier, il considérait qu’« Il n’y a pas d’Arabes en Afrique du Nord, mais seulement des Berbères à différents degrés d’arabisation ».
Aujourd’hui, les Berbères affirment leur identité et leur antériorité à travers le « Réveil berbère » devenu transnational. Un mouvement  sorti de la longue histoire qui connaît une certaine radicalisations, certains allant jusqu’à dire avec Mohammed Chafik : « Et si l’on décolonisait l’Afrique du Nord pour de bon ! ». 
Aujourd’hui, les berbérophones, c’est-à-dire les locuteurs du tamazight, une partie seulement des Berbères ethniques, forment entre 35 et 40% de la population du Maroc, 25% de celle de l’Algérie, environ 10% de celle de la Libye, et 1% de celle de la Tunisie et de l’Egypte.
Qui sont donc les Berbères ? Quelle est leur origine ? Comment furent-ils islamisés ? Quelle est leur longue histoire ? Comment se fait aujourd’hui la renaissance de la Berbérité ? Peut-elle être une alternative au fondamentalisme islamique ?
C’est à ces questions qu’est consacré ce livre de 239 pages qui n’a pas d’équivalent. Son approche est ethno historique et couvre une période de 10 000 ans. Il est illustré par 31 cartes en couleur et par des photographies.

Auteur notamment d’une Histoire de l’Egypte, d’une Histoire de la Libye, d’une Histoire du Maroc, d’une Histoire de l’Afrique du Nord et d’une monumentale Histoire de l’Afrique, Bernard Lugan est universitaire. Il a enseigné à l’Ecole de Guerre et à l’ESM de Saint-Cyr-Coëtquidan. Il dirige la revue mensuelle par internet l’Afrique Réelle.

Editions Le Rocher ; 240 pages
Disponible dans toutes les librairies.
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jeudi 8 février 2024

La France « colonie de ses colonies »

En 1960, dans l’empire colonial -11 millions de km2-, vivaient un peu moins de 1,5 millions de Français dont les ¾ dans la seule Algérie. Aujourd’hui, en France - 600.000 km2-, vivent environ 10 millions d’originaires de l’ancien empire. La France est donc devenue la « colonie de ses colonies ». 

La principale responsable de cette situation est doublement la gauche universaliste. Colonisatrice hier, elle initia le mouvement quand droite s’y opposait. On lira à ce sujet mon livre « Colonisation l’histoire à l’endroit. Comment la France est devenue la colonie de ses colonies »

Repentante aujourd’hui, elle encourage la migration de peuplement qui va achever de dissoudre la France dans la « créolité » souhaitée par M. Mélenchon, c’est-à-dire dans ce volapuk universaliste qu’en 1867, dans un discours hallucine, Victor Hugo appelait de ses vœux : 

 « Phénomène magnifique, cordial et formidable, que cette volatilisation d’un peuple qui s’évapore en fraternité ! O France, adieu. Tu es trop grande pour n’être qu’une patrie. On se sépare de sa mère qui devient une déesse. Encore un peu de temps et tu t’épanouiras dans la transfiguration. Tu es si grande que voilà que ne vas plus être. Tu ne seras plus la France, tu seras Humanité ; tu ne seras plus nation, tu seras ubiquité. Tu es destinée à te dissoudre tout entière en rayonnement, et rien n’est auguste à cette heure comme l’effacement visible de ta frontière. Résigne-toi à ton immensité. Adieu, Peuple ! Salut, Homme ! ».


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jeudi 1 février 2024

L'Afrique Réelle n°170 - Février 2024

Sommaire

Dossier :

L’Ethiopie va-t-elle obtenir un débouché maritime ?

Dossier :
La question des frontières, cœur du contentieux algéro-marocain

- Des positions inconciliables
- Quand la France proposait au Maroc une rectification frontalière
- L’Algérie viole ses engagements
- Quand le maréchal Lyautey dénonçait les amputations territoriales du Maroc
- Algérie-Maroc, des relations quasi conflictuelles


Editorial de Bernard Lugan

Quand il était député au Parlement européen, M. Stéphane Séjourné, nouveau ministre français des Affaires étrangères, s’était régulièrement montré hostile au Maroc, tout en faisant les yeux doux à l’Algérie. Et que l’on ne vienne pas dire qu’il s’agit là de réalpolitique gazière car l’avenir des exportations gazières de l’Algérie est sombre.

En effet, comme la production moyenne de gaz y est d’environ 130 mds de m3, dont 30 à 40% réinjectés dans les puits pétroliers pour qu’ils demeurent actifs, l’Algérie ne dispose en réalité que d’environ 86 milliards de m3 de production commercialisable, dont environ 35 à 40 mds de m3 consommés localement pour la production d’électricité. Conclusion, en 2025, les exportations devraient atteindre environ 25 mds de m3, soit moitié moins qu’en 2018. Des exportations qui ne cessent de baisser puisqu’elles sont passées de 64 mds de m3 en 2005, à 51 mds en en 2018, à 48 mds en 2019 puis à 41 mds en 2020.

L’Algérie qui voit ses réserves diminuer, met donc tous ses espoirs dans un projet de gazoduc transsaharien d’une longueur de 4.128 kilomètres qui serait en mesure de transporter le gaz naturel nigérian vers les ports algériens, puis vers les marchés européens. Un projet peu réaliste car ce gazoduc devrait traverser des régions sahéliennes en guerre ou même en situation de totale anarchie. Dans ces conditions quels investisseurs seraient-ils prêts à risquer des dizaines de milliards de dollars pour faire remonter vers le nord un gaz produit dans la région littorale du Nigeria ?

Voilà pourquoi, le plus sûr est d’exporter ce gaz directement par gazoduc marin, d’où le projet Nigeria Morocco Gas Pipeline (NMGP). D’une longueur de 5.500 kilomètres - 569 km existant déjà entre le Nigeria et le Ghana via le Bénin et le Togo -, ce projet est porté conjointement par le Maroc et par le Nigeria pour aboutir à Tanger, au Maroc, avant d’être distribué en Europe.

Ce projet qui permettrait d’associer tous les pays de l’ouest de l’Afrique producteurs de gaz, longerait la côte ouest-africaine, engerbant au passage les productions gazières des pays côtiers. Ici, pas de problèmes de sécurité car, étant offshore, ce gazoduc serait donc indépendant des aléas sécuritaires régionaux.

Au total, 16 pays sont concernés par ce projet, dont tous les pays de la CEDEAO qui pourraient ainsi profiter de ses retombées, notamment les pays enclavés comme le Mali, le Burkina Faso et le Niger qui bénéficieraient de bretelles terrestres. Une première étape de ce gazoduc reliera les champs gaziers offshore de Grande Tortue Ahmeyim (GTA) situés de part d’autre de la frontière maritime Mauritanie-Sénégal à Tanger au Maroc.

Même si la gauche a toujours eu les « yeux de Chimène » pour une Algérie qui ne cesse d'accuser la France, les intérêts de cette dernière demandent donc une réconciliation avec le Maroc, ce qui passe par la reconnaissance de la Marocanité du Sahara occidental... ce que l'Algérie verra comme une provocation. La politique du « en même temps » n'est décidément pas chose facile...

lundi 1 janvier 2024

L'Afrique Réelle n°169 - Janvier 2024

SOMMAIRE

Dossier :
L’année 2023 en Afrique : bilan et perspectives pour 2024

- La Libye
- 2023 : tempête sur le « pré-carré » français
- L’Ethiopie entre crise et renaissance
- Les maux de l’Afrique du Sud
- 2023 ailleurs en Afrique

Dossier :
Le temps long africain


Editorial de Bernard Lugan

En 2023 un nouveau paradigme s’est imposé en Afrique, celui du rejet des universalismes occidentaux, à commencer par la démocratie.

Retour en arrière. Au mois de juin 1990, lors de la Conférence franco-africaine de La Baule, François Mitterrand conditionna l’aide de la France à l’introduction du multipartisme.

Obéissant à cette injonction de nature néo-coloniale, contrainte et forcée, l’Afrique francophone accepta ce diktat socialiste. Résultat, elle connut une cascade de crises et de guerres, le multipartisme y exacerbant l’ethnisme et le tribalisme jusque-là canalisés dans le parti unique. Ce fut alors le triomphe de l’ethno-mathématique électorale, les ethnies les plus nombreuses l’emportant dans les urnes sur les moins nombreuses. D’où une déstabilisation générale.

Trois décennies après le « discours de La Baule », la démocratie postulée être le remède aux maux du continent n’y ayant apporté ni développement économique, ni stabilité politique et encore moins sécurité, l’Afrique se tourne donc peu-à-peu vers des pouvoirs autoritaires, tout en cherchant des modèles et des soutiens ailleurs que parmi les démocraties occidentales.

En 2023 la migration de masse déferlant sur l’Europe a encore augmenté, conséquence d'une démographie africaine devenue folle, interdisant tout développement, exacerbant les conflits et poussant les habitants au départ.

Or, cette explosion démographique s'explique parce que, hier, au nom de leur « amour de l’autre », les missionnaires, les religieuses soignantes, les médecins et les infirmiers coloniaux ont délivré les Africains de la lèpre, de la rougeole, de la trypanosomiase, du choléra, de la variole, de la fièvre typhoïde, de la fièvre jaune etc., cependant que les militaires les libéraient de leurs frères esclavagistes.
 
Résultat, avec la colonisation, en un siècle, la population du continent a été multipliée par 10. De 100 millions d'habitants en 1900, elle était passée à environ 275 millions dans les années 1950-1960, puis à 640 millions en 1990, à un milliard en 2014 et à 1,4 milliard en 2022. Selon l’ONU, dans les années 2050 les Africains seront plus de 2 milliards (dont 90% au sud du Sahara), puis plus de 4 milliards en 2100 et ils représenteront alors 1/3 de la population mondiale. En 2050, 40% des naissances mondiales seront africaines (Unicef. Afrique/Génération).

Dans ces conditions, l’aide au développement revient à labourer l’océan, tout progrès étant immédiatement avalé par la démographie qui créé automatiquement de nouveaux besoins… et qui provoque les migrations massives qui se déversent sur l’Europe.

dimanche 24 décembre 2023

Le torchon brûle entre le Mali et l’Algérie

La tension est actuellement forte entre le Mali et l’Algérie. Mercredi 20 décembre 2023 l’ambassadeur algérien à Bamako a été convoqué par la junte militaire au pouvoir. En retour, dès le lendemain jeudi 21 décembre, l’ambassadeur du Mali à Alger le fut au ministère algérien des Affaires étrangères.

Bamako reproche à Alger ses liens avec les « séparatistes » touareg ainsi que l’accueil fait  le mardi 19 décembre  par le président Abdelmaajid Tebboune à une délégation politico-religieuse malienne dirigée  par l’imam Mahmoud Dicko. Or, cet influent chef religieux d’ethnie peul est un opposant à la junte. Cela a pu faire penser à cette dernière qu’Alger tentait d’ouvrir un nouveau front au Mali afin de  donner de l’air à ses alliés touareg actuellement en difficulté militaire… Et pour ne rien arranger,  les 22 et 23 décembre derniers, le ministre malien des Affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop a effectué une visite au Maroc, pays avec lequel l’Algérie a unilatéralement rompu ses relations diplomatiques au mois d’août 2021…

Derrière ces évènements récents, c’est en réalité un contentieux ancien et profond qui oppose Alger à Bamako. Et comme les deux pays partagent une frontière de 1400 kilomètres de long, et comme leurs populations touareg sont imbriquées, les évènements  y agissent en vases communicants.

Le problème est bien connu :

1) L’Algérie qui considère le nord du Mali comme le prolongement méridional de ses immensités sahariennes, et pour tout dire comme son « protectorat », s’est toujours impliquée dans les règlements des guerres touareg du Mali. Comme elle craint la contagion chez ses propres touareg, elle ne veut en effet en aucun cas que ces derniers se trouvent impliqués dans la poudrière malienne. Alger est ainsi le principal médiateur dans la question malienne depuis la signature en 2015 de l’Accord d’Alger entre Bamako et les  groupes armés touareg. Tout au contraire, la junte malienne considère que cet accord fait la part belle à ceux qu’elle qualifie, à juste titre d’ailleurs, de « séparatistes ». Pour l’historique de la question on se reportera à mon livre Histoire du Sahel des origines à nos jours.

2) L’Algérie a constamment entretenu des relations avec les mouvements touareg. Il est de notoriété que le chef historique des dernières insurrections, Iyad Ag Ghali, est lié à Alger. Sa famille réside en Algérie, et lui-même y a sa base arrière.

3) Alger se satisfaisait de voir le nord du Mali échapper au pouvoir de Bamako sans toutefois accéder à une véritable indépendance qui aurait pu donner des idées à ses Touareg. Tout au contraire, les militaires maliens ont un objectif  prioritaire qui est la reconquête du nord du pays. Une utopie jusqu’à ces dernières semaines. Or, l’intervention massive  du groupe Wagner a permis aux FAMA (Forces armées maliennes) de prendre Kidal, la « capitale » des Touareg vidée de sa population partie vers le désert et les frontières de l’Algérie. Dans l’attente d’une revanche…
 
Les intérêts de l’Algérie se trouvent donc opposés et confrontés à ceux de son allié historique, la Russie, pays qui lui fournit la quasi-totalité de son armement… Aussi, Alger tente actuellement un rapprochement avec Paris… Une affaire à suivre, mais de loin, maintenant que les protagonistes ont demandé le départ des forces françaises…